6.000 Francs Congolais (3 dollars USD), c’est le prix que les petits vendeurs des denrées alimentaires, dont le haricot et soja, des marchés de Walungu, Kabare et Kalehe proposent de payer dorénavant par an pour la patente. Ce document qui autorise toute personne morale ou physique de nationalité congolaise à exercer le petit commerce sur l’étendue de la province du Sud-Kivu coûte 22.000 FC (11 dollars USD). Ce montant est exorbitant et pas du tout équitable pour les petits entrepreneurs démunis s’insurgent les petits vendeurs réunis au sein de l’Association des petits Commerçants Transfrontaliers (ACT). Ils ont pour cela plaidé leur cause devant les autorités provinciales du Sud-Kivu dont des représentants du ministère du budget, du commissariat général en charge de petites et moyennes entreprises, du ministère de Finances et Commerces, ainsi que celui de la commission Economie et finance de l’assemblée provinciale. C’était ce samedi 30 octobre 2021 à l’Hôtel Elisabeth à Bukavu avec l’accompagnement du projet Feed the Future RDC, Renforcement des Chaînes de Valeur (SVC/Lima-Faidika) financé par le peuple américain et l’USAID.
L’enjeu est de taille pour ces petits commerçants vendeurs des denrées alimentaires qui ont fait savoir aux autorités provinciales du Sud-Kivu que pour exercer en toute légalité leurs « très petits commerces » et accéder aux marchés reconnus par l’Etat, ils doivent verser chaque année dans les caisses de la province et de la chefferie environs 70.000 FC (35 dollars USD). Ces petits vendeurs doivent d’abord, en effet, payer à la province 22.000 FC (11 dollars USD) pour la patente, ensuite dans les collectivités chefferies où par exemple le marché est organisé maximum 2 fois la semaine, la taxe hebdomadaire payée varie entre 600 à 1000 FC (0.3 à 0.5 dollars USD), ce qui annuellement peut aller jusqu’à environs 48.000 FC (24 dollars USD).
Les petits vendeurs estiment qu’avec cette lourde imposition, leurs « très petits commerces » ne se développent pas. Ils ont indiqué que le chiffre d’affaires moyen de la plupart d’entre eux varie entre 100.000 et 400.000 FC (50 et 200 dollars USD). Ce modique chiffre d’affaires ne permet pas à la majorité d’entre eux d’être en règle avec l’Etat. Conséquence : 90 % de 3125 petits vendeurs membres de l’ACT au niveau des territoires de Walungu, Kabare et Kalehe, opèrent malgré eux dans l’informel ou corrompent certains agents percepteurs pour écouler tranquillement leurs produits dans les marchés de la chefferie. Ce manque à gagner pour la province et les entités territoriales décentralisées (ETDs) ne profite ni aux petits vendeurs qui sont chaque fois tracassés par les agents percepteurs ni à l’Etat qui n’arrive pas à mobiliser suffisamment d’argent pour ses besoins, ont-ils démontrés.
« Nous sollicitons au Gouvernement provincial à travers le Ministre provincial des finances et celui en charge des petites et moyennes entreprises de bien vouloir réduire le prix de la patente pour les petits vendeurs que nous sommes à partir de l’année fiscale 2022. Nous pensons qu’une quotité de trois dollars américains (3$) permettrait à chaque petit vendeur de s’acquitter régulièrement de cette imposition », a déclaré Cibalonza Masirika Joëlle, Présidente de l’ACT à la lecture du cahier de charge des petits vendeurs.
La réduction proposée, est juste et proportionnelle à leurs chiffres d’affaires estiment les petits vendeurs qui ont demandé aux autorités provinciales du Sud-Kivu de prendre exemple sur la province du Nord-Kivu, où leurs collègues payent depuis 2019 la patente à 6.000 FC (3dollars USD).
Venus prêter main forte aux petits vendeurs du Sud-Kivu, ceux membres de l’ACT Nord-Kivu ont en effet expliqué comment ils sont parvenus à obtenir gain de cause auprès des autorités de leur province.
« Les petits vendeurs du Nord-Kivu avaient dialoguer avec la Direction Générale de Recette (DGR-NK) pour fixer le prix de la patente selon les catégories des petits commerçants. Les petits vendeurs des denrées alimentaires produites et fabriquées au Nord-Kivu et dans les pays frontaliers ont été ainsi classés dans la 3 -ème catégorie appelée « autres petits commerçants » et payent depuis lors la patente à 6.000 FC (3 dollars USD). Les deux autres catégories supérieures des petits commerçants payent 44.000 FC et 22.000 FC (22 et 11 dollars USD), l’an », a expliqué Michel Djamba, Coordinateur National du comité national des Associations des petits Commerçants Transfrontaliers.
Comme résultat, du processus de plaidoyer, l’ACT Nord-Kivu a indiqué qu’en 2019, 62% de 8 023 petits vendeurs membres de l’ACT, soit 4974 personnes avaient payé leurs patentes. La Direction Générale des Recettes du Nord-Kivu (DGR-NK) avait ainsi perçu 14 922 dollars US, alors que les précédentes années les membres de l’ACT n’étaient pas enregistrés, ni connus par l’autorité provinciale. Il était de ce fait difficile de savoir avec exactitude combien des petits vendeurs payaient la patente, a indiqué Michel Djamba.
En 2020, avec les limitations de mouvement entre les territoires et la ville, et la ville avec le Rwanda et l’Ouganda du fait de la COVID-19, seuls 1280 petits vendeurs du Nord-Kivu avaient pu payer la patente. Et pour 2021, renseigne toujours le Coordinateur National des ACT, les évaluations de l’impact de cette réduction du prix de la patente sont en cours.
Pour Octave Zahinda, Directeur de cabinet au ministère provincial des Finances et Commerces du Sud-Kivu, ce plaidoyer vaut son pesant d’or. Il a rassuré les petits commerçants que leur requête fera l’objet des échanges au niveau provincial.
« Nous avons compris et recueillis les desideratas des petits vendeurs sur le prix de la patente. Nous allons faire parvenir ces doléances à qui de droit, de manière qu’on puisse trouver une suite appropriée à leur demande. Nous nous engageons à faire le suivi pour que le prix de la patente soit fixé selon les chiffres d’affaires par catégorie des petits commerçants et que la question soit traitée par la commission ECOFIN de l’Assemblée provinciale », a promis Octave Zahinda.
Les petits vendeurs membres de l’ACT espèrent que les autorités provinciales du Sud-Kivu réserveront une suite favorable à leur requête. Gagnant-gagnant, ils se sont engagés, en cas d’une réponse positive, à aider les autorités à sensibiliser et à mobiliser les autres petits vendeurs de la province à se faire enregistrer et payer régulièrement la patente.