A 40 ans, Guilain Kabumba est enseignant à l’Institut Notre Dame de Miséricorde à Mugote à Idjwi Sud dans la province du Sud-Kivu. Cela fait 11 ans qu’il enseigne particulièrement le cours de technologie aux élèves qui viennent à peine de finir le cycle primaire et qui sont en 7ème éducation de base (ancienne première année Cycle d’Orientation). Ce cours a pour objectif de permettre aux jeunes apprenants de connaitre les besoins élémentaires de l’homme. Il est divisé en 3 grands chapitres à savoir : l’habitation, la nourriture et les vêtements.
Guilain Kabumba confie que son cours a toujours été théorique. De manière générale il parle des besoins vitaux de l’homme tels respirer, boire, manger, se protéger du froid et de la chaleur, être en sécurité, dormir, etc.
« Pour ce qui concerne particulièrement le chapitre sur la nourriture, j’enseigne à mes élèves différents groupes d’aliments dont les aliments énergétiques (céréales, tubercules, huiles et graisses), les aliments de construction (protéines d’origine animales et protéines d’origine végétales) ainsi que les aliments de protection (fruits légumes). Je leur parle aussi de l’hygiène dans la préparation des aliments. Bref, juste des explications théoriques », explique Guilain Kabumba.
A part sa casquette d’enseignant, Guilain Kabumba est aussi agriculteur. Il cultive notamment les haricots et le soja. Il est membre du Bureau des Œuvres Caritatives aux Vulnérables (BOCV), une des organisations des producteurs d’Idjwi Sud partenaires du projet Feed the Future RDC, Renforcement des Chaînes de Valeur (SVC Lima-Faidika) financé par le peuple Américain et l’USAID. SVC Lima Faidika accompagne en effet depuis 2017 le secteur agricole au Sud-Kivu à travers les chaînes de valeur café, haricot et soja. Le projet vise ainsi dans les territoires de Kabare, Kalehe, Walungu et l’île d’Idjwi, l’augmentation des revenus des ménages agricoles à travers l’amélioration, d’une part de la production, de la productivité et de la qualité du café de spécialité ; et d’autre part de l’accès aux aliments nutritifs dont particulièrement les haricots et le soja.
Parmi notamment ces appuis au développement des chaînes de valeur haricot et soja, le projet mène dans ces zones cibles des campagnes de sensibilisation sur les bienfaits sur la santé humaine de la consommation de ces deux aliments nutritifs.
« La préparation et la transformation des aliments jouent un rôle important auprès des communautés rurales parce qu’elles assurent leur sécurité alimentaire, augmentent la variété des régimes alimentaires, et sont un moyen de diversifier le revenu et l’emploi ».
C’est dans ce cadre qu’en mai 2022, en plus des leçons sur les bonnes pratiques agricoles du café, le projet a sensibilisé des caféiculteurs membres de 81 collèges de café qu’il a installé à Idjwi Sud, à consommer une partie des haricots ou soja qu’ils cultivent (comme cultures intercalaires) dans leurs champs de café. Ceci afin de prévenir la malnutrition dans leurs ménages. Guilain Kabumba a saisi l’opportunité de participer à l’atelier culinaire organisé pour les membres du collège de café « Mukaba 1 », installé depuis 2 ans dans son village à Bwando. En plus de la théorie sur les apports et valeurs nutritifs des haricots et soja, Guilain Kabumba et les membres de ce collège de café ont appris différentes façons de les préparer et de les consommer.
« J’ai appris notamment comment préparer le lait et les beignets à base de soja. C’était personnellement une nouvelle et enrichissante expérience. Après cette formation culinaire, J’ai décidé d’intégrer une partie pratique dans mon cours de technologie et d’apprendre aussi à mes élèves comment obtenir du lait du soja et comme cela, ils peuvent en fabriquer aussi dans leurs familles respectives », explique Guilain Kabumba.
Chose dite, chose faite, Guilain Kabumba a organisé le même mois de mai 2022 dans son école, un atelier cuisine en faveur d’environ 90 élèves de 7 -ème année âgés entre 10 et 13 ans. Cette journée a marqué les esprits de ses élèves, garçons comme filles.
« Un jour avant cette journée, notre enseignant nous a d’abord expliqué les bienfaits des aliments à base de soja sur la santé., Pour la partie pratique prévue le lendemain, il nous a dit que nous allons préparer le lait et les beignets de soja. Il nous a demandé d’apporter chacun une petite quantité de soja déjà trempé dans l’eau pendant 8 heures de temps, un peu de sucre et quelques ustensiles de cuisine », se rappelle Akonkwa Kajibwami, élève en 7 -ème année âgé de 11 ans. Et Nabuhola Nshamanvu, un autre élève, d’expliquer les étapes apprises de la recette du lait de soja « les graines de soja doivent d’abord être trempé dans l’eau pendant 8 heures maximum. Ensuite nous les pilons dans un mortier. Un fois les graines bien écrasées, nous les mettons dans une casserole en raison de 4 litres d’eau pour un kilo de soja. Nous ajoutons les feuilles de la citronnelle pour aromatiser et améliorer le gout du lait. Nous laissons bouillir au moins une heure au feu. A la fin, nous laissons refroidir la préparation avant de le tamiser dans un linge propre. Et nous avons notre lait »
Guilain Kabumba a appris aussi à ses élèves comment préparer des beignets en utilisant les résidus du soja après obtention du lait. C’est la toute première fois que ses élèves goutent au lait et mangent les beignets à base de soja.
Cette démonstration culinaire a été très appréciée par les élèves et surtout par les sœurs religieuses responsables de l’institut Notre Dame de la Miséricorde. Les élèves ont pour leur part la mission d’aller apprendre ces recettes aux membres de leurs familles respectives. Les sœurs religieuses quant à elles voudraient étendre ces leçons pratiques sur la nutrition humaine à d’autres classes afin que dès le bas âge, les élèves apprennent à transformer certains produits agricoles pour une alimentation variée.
Guilain Kabumba prévoit en effet de continuer à rendre encore plus pratique sa leçon sur la nourriture pour promouvoir la culture et la consommation des aliments nutritifs surtout des haricots et soja dans les agglomérations rurales telles que Mugote.
Rédaction