Alors que plus de 6,3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur République démocratique du Congo (RDC), les besoins humanitaires dans ce pays augmentent de façon exponentielle, a averti un haut responsable de l’ONU, relevant qu’il s’agit d’une crise humanitaire « très aiguë et très complexe ».
Selon le Représentant spécial adjoint de l’ONU en RDC, c’est la crise humanitaire « la plus négligée au monde ». « La situation n’est pas du tout comme d’habitude. La crise humanitaire prolongée en RDC reste très aiguë et très complexe », a déclaré lors d’une conférence de presse à Genève, Bruno Lemarquis, Coordinateur résident et Coordinateur humanitaire de l’ONU pour la RDC.
« Selon le Conseil norvégien pour les réfugiés, il s’agit de la crise humanitaire la plus négligée au monde », a-t-il ajouté. A cet égard, il rappelle que la situation actuelle est principalement due aux conflits, mais aussi aux épidémies, aux catastrophes. « Elle est aggravée par de nombreux facteurs, notamment le manque de présence de l’État dans certaines régions et le manque d’infrastructures ».
Plus de 6,3 millions déplacés internes
Bruno Lemarquis, Coordonnateur humanitaire en République démocratique du Congo, s’adresse à des journalistes au camp de Bulengo, au Nord-Kivu.
Autant de facteurs qui conduisent à d’importants mouvements de populations. Par exemple, depuis le début de l’année 2023, plus de 200.000 personnes se sont nouvellement déplacées dans la province de l’Ituri, portant le total à plus de 1,6 millions de personnes déplacées.
Les femmes représentent près de la moitié de la population déplacée dans la province.
Selon un rapport de la situation du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), plus de 80% des déplacements sont dus aux attaques et affrontements armés.
Dans le même temps, durant les 18 derniers mois près de 829.000 personnes sont retournées chez elles, dont 36% dans le territoire d’Irumu.
Au total, 6,3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, soit « le nombre le plus élevé d’Afrique ».
« Depuis mars 2022, la situation s’est vraiment aggravée, surtout avec la résurgence du mouvement dit M23. Les besoins humanitaires, qui étaient déjà très élevés, ont encore augmenté. Ils sont montés en flèche avec les déplacements de population supplémentaires. En particulier, la résurgence du M23 a eu des conséquences directes avec plus d’un million de personnes déplacées supplémentaires, principalement dans le Nord-Kivu et surtout autour de la ville de Goma », a fait valoir M. Lemarquis.
Grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire
Comme pour aggraver une situation déjà critique, M. Lemarquis estime que la RDC compte le plus grand nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire au monde, avec plus de 26 millions de personnes. En outre, 6,4 millions de personnes, en particulier des enfants de moins de cinq ans, souffrent de malnutrition aiguë.
Sur le terrain, la plupart de ces personnes déplacées vivent dans des camps informels, avec des besoins énormes. Selon l’ONU, les déplacés internes ont un besoin urgent d’abris, de nourriture, d’eau, d’installations sanitaires et de services de santé.
Ces campements ont également provoqué une forte augmentation des violences sexuelles et sexistes. « Il y a une forte augmentation du nombre d’actes de violence sexuelle à l’encontre des femmes et des filles, en particulier dans ces sites », a dit le haut responsable onusien.
Ces violences basées sur le genre ont ainsi atteint un niveau record. Selon l’ONU, plus de 38.000 cas ont été signalés au Nord-Kivu en 2022, et déjà pour les trois premiers mois de 2023, il y a une augmentation de 37%.
Un appel de fond financé à hauteur de 20%
Sur un autre plan, un dernier rapport d’OCHA a fait le point sur les inondations provoquées par des fortes pluies dans le territoire de Kalehe au Sud-Kivu. Deux semaines après les fortes pluies qui ont entrainé́ des inondations et des coulées de boues dans des villages du territoire de Kalehe (aires de santé de Bushushu et Nyamukubi), la recherche active des corps sous les décombres se poursuit.
Au 17 mai, au moins 428 personnes ont été́ tuées (402 retrouvées mortes sous les décombres et 26 autres ont succombé de leurs blessures dans des établissements sanitaires). La catastrophe a touché des milliers de personnes, dont beaucoup demeurent portées disparues.
Selon OCHA, environ 3.000 maisons ont été́ affectées, dont environ 1.200 complétement détruites. Au lendemain de la catastrophe, les survivants ont trouvé refuge dans des hôpitaux, écoles, églises et d’autres espaces publiques. Certains ont été́ accueillis dans des familles d’accueil tandis que d’autres se seraient installés dans des sites spontanés.
Une nouvelle donne qui risque d’aggraver une situation humanitaire déjà préoccupante. « Cette année, il y a des épidémies de rougeole particulièrement virulentes avec des chiffres élevés. Et aussi, des catastrophes – il y a deux semaines, il y a eu des inondations meurtrières qui ont entraîné des glissements de terrain. C’est l’un des événements les plus catastrophiques, l’une des catastrophes naturelles les plus importantes qu’ait connues la RDC. Jusqu’à présent, plus de 400 personnes ont été tuées dans le Sud-Kivu, mais 6 000 personnes sont toujours portées disparues », a conclu M. Lemarquis.
S’agissant du financement, les besoins de cette année s’élèvent à 2,25 milliards de dollars, mais jusqu’à présent, seuls 20% de ce montant ont été collectés.