Le commerce de haricot et soja joue un rôle important sur le plan économique dans les échanges au niveau des différents marchés au Sud-Kivu. Les opérateurs de ce secteur sont en majorité des femmes qui de plus en plus se regroupent en association. Pour ces vendeuses, être membre d’une association leur permet non seulement de mutualiser les ressources et l’accès au marché, de bénéficier de services mais aussi d’unir leurs forces pour se faire entendre via des actions de plaidoyer. La majorité de ces associations cependant n’est pas reconnue par les autorités locales. Elles fonctionnent sans statuts, ni Règlement d’Ordre Intérieur (ROI), ni documents légaux. N’étant pas reconnues, elles sont très limitées et ne peuvent pas engager un dialogue avec les autorités locales sur les contraintes qu’elles éprouvent dans l’exercice de leurs activités. C’est notamment le prix élevé de la patente, la prolifération des marchés pirates, le mauvais état des étalages, les tracasseries de la part des agents percepteurs et la forte pression fiscale. Elles demeurent des associations de circonstances et reste buté aussi au problème de manque de vision claire et stratégies viables pour améliorer leur efficacité sur le long terme et permettre ainsi leur pérennité.
C’était le cas, il y a quelques mois des vendeuses de haricot et soja réunis au sein des associations Rhuzusanye en territoire de Walungu, Lima-Faidika et Tusaidiyane en territoire de Kalehe. Ces associations n’étaient pas suffisamment organisées et formalisées. Pour écouler leurs produits dans les marchés formels, elles étaient contraintes de soudoyer certains agents de la chefferie qui font la ronde pour y percevoir les taxes. Ceci entraînait des répercussions sur les prix des haricots et soja sur le marché.
Le projet Feed the Future RDC, Renforcement des Chaînes de Valeur (SVC) financé par le peuple américain et l’USAID appui au Sud-Kivu les acteurs qui sont dans les chaînes de valeur des haricot, soja et café. Dans le cadre de ses activités de renforcement des liens entre les petits producteurs et les services du marché, il a appuyé et accompagné ces associations des vendeurs dans l’élaboration et l’amendement des textes qui les régissent. Le projet a pour cela mis à leurs dispositions des modèles des statuts et ROI qu’elles ont adaptées à leurs objectifs et visions, avant de les faire légaliser. Le projet SVC, les a aussi outillés en techniques de plaidoyer pour la défense des intérêts de leurs membres et d’autres stratégies de marché telles les achats et ventes groupés.
« Après les formations de SVC, nous avons rédigé nos statuts et nous avons payé 15 dollars USD à un expert pour corriger le texte avant sa légalisation. Les membres ont en plus cotisé 30 dollars USD qui nous ont permis de faire légaliser le document auprès de la chefferie de Ngweshe en territoire de Walungu sous le numéro N°5072/458/N.8/NGW/2019 » confie pour sa part Heri MUFUNGIZI, présidente de l’association Rhuzusanye créée en 2018 pour défendre les intérêts des vendeurs et vendeuses des haricots et soja du grand marché de Mudwanga, toujours en territoire de Walungu.
Situation identique pour l’association Lima Faidika de Minova en territoire de Kalehe. Cette dernière a aussi légalisé son statut au mois de juillet 2019 pour être reconnu par les autorités compétentes du milieu en tant qu’un groupe des vendeurs et vendeuses des haricots et soja qui exercent dans le grand marché de Minova en chefferie de Buhavu.
« Les membres ont contribué cent mille francs congolais (50 dollars USD) pour avoir des documents légaux de fonctionnement en tant qu’association. Notre statut a été légalisé à la chefferie de Buhavu sous le numéro N°017/007/N.012/CAB/MIN, COM, FINA/2016. Nous avons par la même occasion obtenu un certificat de fonctionnement signé par le Mwami (chef coutumier) lui-même», se réjouit Justin KALUME BAHUVU, secrétaire de Lima Faidika.
L’association Tusaidiyane établie à Ihusi en territoire de Kalehe a également quittait l’informel pour le formel. Avec 30 dollars USD, l’association a légalisé ses statuts à la chefferie de Buhavu au mois de janvier 2021 sous le numéro N°2980/093/T.91/2021.
Depuis qu’elles sont structurées et qu’elles sont reconnues par les autorités locales, ces 3 associations ne se butent plus aux problèmes des perceptions illicites dans les marchés des chefferies.
Les 56 membres de l’association Lima-Faidika, toujours à Kalehe, ne payent plus individuellement la taxe annuelle de 5 dollars USD pour être autorisé à écouler leurs produits au marché de Minova. L’association verse à la chefferie un forfait de 25 dollars USD par an pour tous ses membres.
Quant à l’association Rhuzusanye de Walungu, les membres se conforment individuellement au paiement de 500 Francs Congolais (0,25 dollars USD) les jours du marché, selon le barème de la chefferie. Et tous les membres travaillent avec la seule patente de 11 dollars USD que l’association paye désormais annuellement.
L’autre avantage d’avoir des documents de fonctionnement légalisés, ces associations peuvent désormais négocier des accords et trouver des compromis avec les autorités locales sur les taxes à payer, la construction des stands et étalages appropriés dans les marchés, etc.
« Pour le moment nous sommes en pourparlers avec les autorités de la chefferie pour qu’elles revoient à la baisse le 10 dollarsUSD de location d’un stand au marché de Kanjuki que chaque vendeur doit payer annuellement. En attendant l’issu de ces démarches, nous ne sommes plus victimes des tracasseries de la part de certains agents percepteurs de la chefferie au marché. Désormais, nos membres payent sans problème la taxe de 500 francs Congolais (0,25 dollars USD) par personne, les jours du marché à Kanjuki », témoigne Joséphine MUCHONDO, présidente de l’association Tusaidiyane de Ihusi à Kalehe.
Le fait d’être structuré a permis aussi aux membres de ces associations de se faire confiance et d’accepter de mettre en place des stratégies d’achats et ventes groupés surtout pendant la période de confinement dû à la COVID19 au cours de laquelle la circulation des personnes entre la ville de Bukavu et les territoires avait été limitée sur décision des autorités de la province du Sud-Kivu.
Rédaction